Gérer les troubles du comportement alimentaire

En ce qui concerne la recherche médicale

En ce qui concerne la recherche médicale.

Introduction

Les mécanismes physiologiques du comportement alimentaire sont complexes. Ils font intervenir des mécanismes nerveux et des mécanismes hormonaux divers à l’origine de la régulation de la prise alimentaire par les sensations de faim et de satiété. Les troubles des conduites alimentaires ou TCA correspondent à une dérégulation de ces mécanismes, donnant naissance à l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse ou l’hyperphagie boulimique. Cependant, les connaissances étant incomplètes, jusqu’à l’heure actuelle, aucun médicament spécifique n’existe. D’autant plus que chaque TCA est unique du fait de son origine multifactorielle. Acte de vie, il a un sens, dirigé vers un but : ne pas sombrer.

Des précédentes recherches ont permis d’émettre des hypothèses, d’où naissance de recherches cliniques pleines de promesses.

Des connaissances préliminaires indispensables

Les différentes fonctions de l’organisme humain sont régulées afin de conduire à un fonctionnement adapté à la situation de chaque instant. Ce qui nécessite une communication entre les différents organes du corps. Deux moyens de communication peuvent avoir lieu qui font tous deux intervenir des molécules chimiques spécifiques.

La communication nerveuse

Assurée par le système nerveux, elle implique les cellules nerveuses ou neurones, organisés en réseaux, qui transportent un influx nerveux, de nature électrique.

Les neurones s’articulent entre eux au niveau de synapses, l’influx nerveux ne pouvant circuler que dans un seul sens, du neurone pré-synaptique au neurone post-synaptique.

L’influx nerveux pré-synaptique arrivé au niveau de la synapse provoque la libération d’une molécule chimique, spécifique du neurone, le neurotransmetteur dans l’intervalle synaptique. Celui-ci se fixe sur la membrane du neurone post-synaptique au niveau d’un récepteur spécifique d’où naissance d’un influx nerveux post-synaptique. Et ainsi de suite jusqu’au bout de la chaîne et réponse caractéristique de l’organe effecteur.

Afin que la réponse de l’organe effecteur soit limitée dans le temps pour rester adaptée à la situation, l’action du neurotransmetteur doit être de courte durée sur le neurone post-synaptique. Pour cela, il est recapturé par le neurone pré-synaptique d’où diminution de sa concentration dans l’intervalle synaptique. Il peut aussi être détruit dans l’intervalle synaptique par une enzyme spécifique.

Pour comprendre un mécanisme régulé, certains neurotransmetteurs sont excitateurs c’est-à-dire provoquent la naissance d’un message nerveux dans le neurone post-synaptique, soit inhibiteurs c’est-à-dire arrêtent la transmission du message nerveux dans le neurone post-synaptique.

Un même neurone est articulé à de très nombreux neurones, certains excitateurs, d’autres inhibiteurs. Il fait la synthèse des différents messages reçus d’où un comportement adapté.

La communication hormonale

Les hormones sont sécrétées par des glandes endocrines. Elles sont formées de cellules endocrines qui sont entourées de très nombreux vaisseaux sanguins. L’hormone sécrétée par la cellule endocrine est déversée dans le sang et va agir sur des cellules spécifiques, les cellules- cibles. En effet, celles-ci possèdent des récepteurs membranaires spécifiques sur lesquels se fixe la molécule d’hormone d’où modification du fonctionnement de la cellule-cible. Cette modification dépend de la concentration d’hormone dans le sang.

Très rapidement l’hormone est dégradée afin que son rôle soit limité dans le temps.

L’anorexie et l’acétylcholine

Les connaissances

Chez la personne souffrant d’anorexie mentale de nouvelles habitudes se créent dont la personne ne peut aucunement se séparer du fait d’une forte rigidité cognitive. Des troubles obsessionnels compulsifs apparaissent, comme une hyperactivité physique, des mécanismes de récompense paradoxaux, comme assaisonner ses aliments plus que de mesure. Ceci, malgré les conséquences néfastes pour sa santé.

Le striatum, noyau gris de la base du cerveau, est impliqué dans la régulation de l’activité physique et de la recherche de récompense. D’où l’hypothèse qu’il intervienne dans certaines anorexies. Par contre, sa fonction dans la naissance des habitudes et des automatismes est moins connue.

Une recherche préliminaire sur la Souris

Le Professeur Salah El MESTIKAWY et son équipe de l’Institut Douglas à Québec au Canada furent à l’origine d’une découverte fondamentale.

Hypothèse :

Le striatum et sa dérégulation sont impliqués dans certaines anorexies mentales. Ce qui s’expliquerait par la diminution de la sécrétion, par certains de ses neurones, du neurotransmetteur l’acétylcholine, neuromédiateur ayant une fonction excitatrice des neurones post-synaptiques.

Expérience 1 :

À des Souris qui ont faim car n’ayant pas mangé depuis quelque temps, expérimentalement, on provoque une diminution de la sécrétion d’acétylcholine dans le striatum. Automatiquement elles adoptent des comportements anorexiques : alors que de la nourriture leur est présentée, et malgré leur faim, elles pédalent frénétiquement dans la roue et ne se dirigent pas vers la nourriture. Elles sont devenues anorexiques.

Alors que normalement dans un mécanisme régulé d’une habitude, une marche arrière est toujours possible pour s’adapter à une situation nouvelle vitale en supprimant l’habitude, chez la souris anorexique cette marche arrière est impossible du fait de la faible libération d’acétylcholine. Ce qui explique la rigidité cognitive.

Expérience 2 :

Les équipes du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, du Douglas Institute, de l’INSERM et du CNRS, ont donné aux Souris rendues anorexiques un médicament type donépézyl, prescrit lors de la maladie d’Alzheimer. Les manifestations anorexiques disparaissent : hyperactivité physique et la prise de nourriture est retrouvée.

Une étude clinique chez l’Homme

L’équipe du Professeur Philip GORWOOD de la CMME (Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale) du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences vont faire une étude en double aveugle sur une cohorte de 200 patientes anorexiques chronicisées qui montrent des mécanismes dysfonctionnels liés aux habitudes. Son but : obtenir les résultats expérimentaux observés chez la Souris. Cette expérience se déroulera sur une durée d’un ou deux ans.

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