Gérer les troubles du comportement alimentaire

En ce qui concerne la recherche médicale

La dépression et le microbiote intestinal

L’importance du microbiote intestinal dans la survenue d’une anorexie est suspectée depuis de nombreuses années. Cependant, du fait de la modification du régime alimentaire précédant l’analyse de la composition du microbiote, il était difficile de savoir si la modification de sa composition était la cause de l’anorexie ou la conséquence de l’anorexie.

En ce qui concerne la dépression, celle-ci peut précéder l’anorexie et en être en partie la cause ou se manifester postérieurement à l’anorexie et en être la conséquence. Les observations et expériences sur la dépression pourraient peut-être permettre de connaître indirectement le rôle du microbiote intestinal dans l’anorexie.

Les connaissances

La dépression se caractérise par de la tristesse, l’incapacité à trouver du plaisir, l’absence de volonté et de prise de décision d’où incapacité à entreprendre des actions, dévalorisation et culpabilité, troubles du sommeil, troubles alimentaires, idée de mort…. Des médicaments type Prozac, permettent d’améliorer l’état de santé. Leur action : éviter la recapture de la sérotonine par le neurone pré-synaptique au niveau du raphé, situé dans l’encéphale médian. Ainsi, la sérotonine reste plus longtemps dans l’intervalle synaptique d’où son action possible sur le neurone post-synaptique.

Cependant dans 30% des personnes déprimées, le Prozac n’a pas d’action.

Le microbiote intestinal :

D’un poids de 2 kg chez l’adulte, il est composé de100 000 milliards de micro-organismes, principalement des Bactéries, mais aussi des champignons (levures) et des virus. Tous vivent en symbiose avec leur hôte, c’est-à-dire que micro-organismes et hôte tirent profit de leur vie en communauté, formant un écosystème.

Les fonctions du microbiote intestinal sont multiples, dans la digestion, dans l’immunité, dans la régulation de la masse osseuse, dans le fonctionnement cérébral d’où le nom de « deuxième cerveau », donné à l’intestin. Le déséquilibre du microbiote intestinal serait à l’origine de divers troubles, dont des troubles psychiatriques.

Le rôle du microbiote intestinal dans le fonctionnement du cerveau :

En 2013, il a été montré que des Souris dépourvues de microbiote intestinal dès la naissance montrent une plus grande sensibilité au stress et l’acquisition d’attitudes dépressives, plus particulièrement chez les mâles. Ce qui serait dû à une sécrétion moindre de sérotonine par les cellules endocrines de la muqueuse intestinale, hormone de la bonne humeur.

En 2015, il a été montré que le lien entre certaines bactéries du microbiote et les cellules endocrines de l’intestin était dû à des médiateurs chimiques, certains acides gras à chaîne courte sécrétés par les cellules bactériennes.

95% de la sérotonine sécrétée dans l’organisme est lié au microbiote intestinal. Libérée dans le sang par les cellules endocrines, elle peut agir sur de nombreux organes dont le tube digestif, où elle provoque les contractions de la paroi musculaire intestinale responsable du transit intestinal.

Cependant, elle ne peut avoir d’action directe sur le cerveau, car elle ne peut traverser la barrière hémato-encéphalique. Le rôle de cette dernière est de garder l’encéphale dans un milieu sain qui ne perturbe pas le fonctionnement des neurones.

Question : Comment la sérotonine sécrétée sous l’action du microbiote intestinal agit sur les neurones du système nerveux central ?

Les études expérimentales

Le neurobiologiste Pierre-Marie LIEDO (CNRS-Institut Pasteur) et  l’immunobiologiste Gérard EBERL (INSERM-Institut Pasteur) ont permis de répondre au problème posé.

Expérience 1 :

Des Souris en bonne santé reçoivent du microbiote intestinal de Souris rendues dépressives par un stress intensif. Quelques jours plus tard, elles deviennent dépressives. Donc leur dépression est due au microbiote altéré et transféré.

Dans le cerveau des Souris dépressives, s’observe une très faible teneur en sérotonine et en un dérivé d’un acide aminé, le tryptophane, nécessaire à la synthèse de la sérotonine.

Certaines bactéries du microbiote intestinal, synthétisent le précurseur du tryptophane. Celui-ci passe dans le sang traverse la membrane encéphalique pour la synthèse de la sérotonine dans les neurones du raphé.

Expérience 2 :

Les bactéries intestinales nommées Lactobacillus planturum synthétisent des endocannabinoïdes qui favorisent la transmission synaptique. Leur taux dans l’hippocampe est particulièrement bas dans le sang et le cerveau chez les Souris dépressives.

Le transfert de microbiote déficient en cette bactérie à des Souris saines provoque, en quelques jours, la venue de caractères dépressifs. Des compléments alimentaires riches en Lactobaccilus planturum (prébiotiques) suffisent à retrouver une vie saine en quelques jours.

Les endocannabinoïdes vont se fixer sur les cellules de l’hippocampe, permettant la transmission synaptique . L’hippocampe intervient dans la mémoire et la gestion des émotions.

Conclusion :

Les résultats obtenus montrent de façon précise comment agissent les bactéries du microbiote intestinal pour la mise en place d’une dépression chez la Souris, en permettant, d’une part la sécrétion de sérotonine au niveau du raphé, par la sécrétion du précurseur de tryptophane et d’autre part, la sécrétion d’endocannabinoïdes au niveau de l’hippocampe. Il reste à transposer ces résultats chez l’Homme. Une découverte pleine d’espoir.

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