Gérer les troubles du comportement alimentaire

Journée Famille de l’AFDAS-TCA du 13 mai 2012

LA FONDATION SANDRINE CASTELLOTTI et la PREVENTION DES TCA

Les associations ou fondations familiales, dont je me fais la porte-parole, ont toutes les mêmes objectifs, avec leurs spécificités, liées à leur histoire : accueillir, écouter, orienter, informer, soutenir et accompagner les patients TCA et leurs proches, par des moyens divers : lieux d’accueil, mail, permanence téléphonique, groupes de parole, conférences et autres.

Deux témoignages de parents Fabienne* et Tatiana*.  vont permettrent de montrer l’un des aspects fondamental  de notre rôle dans la prévention des TCA, par les réponses de Danielle. Dans les 2 cas, les enfants étaient malades depuis plus d’un an et avaient déjà été pris en charge par des spécialistes TCA.

*Les prénoms ont été changés

Question 1 : Au début, vous avez eu un parcours différent dans vos relations avec la Fondation. Est-ce que vous pouvez expliquer votre 1er contact avec celle-ci et ce qu’il vous a apporté ?

F. Je vais essayer de rassembler mes souvenirs, car mes premiers contacts avec la Fondation remontent à déjà 7/8 ans. Depuis bien des choses ont changé ; ma fille a actuellement 27 ans, elle a quitté Paris pour son travail et vit en province avec son compagnon.

Je reviens à l’année 2005. Ma fille a 20 ans ; elle n’est plus une adolescente et arrive en fin d’hospitalisation à l’IMM. Elle n’est pas guérie loin de là. Que faire ? J’étais démunie, mais combattive aussi ; je n’hésitais pas à parler à droite et à gauche de mes inquiétudes ; j’ai dû à l’époque surfer sur internet pour avoir des adresses…. Et c’est finalement le bouche à oreille qui a joué et m’a permis d’obtenir le n° de la Fondation. Une bonne heure d’écoute au bout du fil !! J’ai été conviée à un groupe informel où j’ai été accueillie avec bienveillance ; j’avais l’impression qu’on parlait de la maladie comme jamais auparavant,  j’avais des débuts d’explication et je sentais que l’on tenait compte également des frères et des sœurs (j’ai 5 enfants)…. Bref, le courant est passé, et en plus, la Fondation m’ouvrait une porte, celle de la MGEN. Deux avantages : 1° ma fille y trouvait un lieu de soins avec une équipe multidisciplinaire compétente ; 2° j’étais introduite dans un groupe de parole auquel je reste fidèle…. même de façon très espacée maintenant.

T. Pour moi, ce fut différent. Notre 1er contact entre la Fondation, moi et mon mari fut directement au sein du groupe de parole de la MGEN, animé par le Dr Remy. Ce premier contact m’a surpris et m’a apporté de l’espoir.

De l’espoir, alors que nous, en tant que parents, étions perdus, avec le TCA de notre fille.

Espoir, parce que l’on m’a expliqué dès cette première rencontre, que le « temps » ne comptait plus.

Cela m’a permis d’analyser aux mieux la situation et de prendre du recul par rapport aux années passées et à venir.

Danielle

A ces témoignages, je me dis : comme le premier contact avec les parents est important, d’ailleurs comme pour leur enfant avec le médecin. Il détermine leur motivation et leur mobilisation  pour le futur qui peut être long.

Accueillir, écouter, orienter

Pour cela,

Répondre aux interrogations des parents, découragés, impuissants, en souffrance, devant leur enfant qui s’enfonce dans la maladie.

Orienter vers un centre de soins spécialisé.

Redonner espoir : oui la « guérison » d’un TCA est possible.

Question 2 : Lors des groupes de parole et de nos autres échanges par mails, téléphone, repas communs, quelles ont été nos aides ? 

F. Tu as raison de mentionner les différentes formes de rencontres, car cela traduit un climat d’amitié qui favorise des échanges plus personnels, plus profonds, plus détendus aussi ( on rit au cours de ces groupes de parole).

Ces groupes ont été en premier chef un soutien moral, alors que veuve, j’étais seule face au problème de la maladie. Autour de moi j’entendais souvent « t’as qu’à raisonner ta fille, t’as qu’à…. ; t’as qu’à…. ». Personnellement ces groupes me permettaient de m’exprimer et d’écouter les autres parents : je m’étais pas seule ! À la MGEN, j’avais l’impression de ne pas être jugée, je me sentais comprise, écoutée ; je recevais des paroles d’encouragement, j’apprenais à voir les évolutions positives, à être patiente, à laisser du temps au temps.

Progressivement, ce fut aussi une aide dans l’ attitude à avoir vis-à-vis de ma fille. Certes il n’y avait jamais eu entre nous de gros heurts. Mais quand on ne sait plus comment s’adresser à son enfant de peur de ses réactions, quand on est dérouté par son illogisme (pour moi), son comportement paradoxal, quand on le voit se détruire…. Quand les frères et sœurs sont aussi à bout, l’aide ne peut venir que de l’extérieur…. Pour trouver des réponses, les médecins faisaient collaborer les autres parents et il en ressortait toujours un éclairage quant à la conduite à tenir, le recul à prendre pour ne pas projeter des idées toutes faites. Et puis, il fallait bien savoir comment laisser petit à petit de l’autonomie à ma fille, je me demandais s’il était opportun de prendre des risques (l’éloignement entre autre)…  Pour cela, j’avais besoin d’entendre des exemples, des expériences, j’avais toujours peur d’une rechute.

T. Les discussions avant le groupe de parole et après celui-ci m’ont été d’un grand soutien : elles m’ont permis de me lancer à chaque fois dans le débat et de faire la synthèse des moments forts partagés,  de les intérioriser ce qui me permettait ensuite d’appréhender pleinement leur finalité pour comprendre ma fille dans le domaine du comportement « raisonnable » et dans le domaine de l’ « affectif » et ainsi d’améliorer nos relations.

Les dîners 2 fois par an, nous ont rapprochés, ont pu « banaliser » entre guillemets la situation de notre famille et celle des autres et enfin apporter une grande convivialité et complicité.

Le fait qu’une issue heureuse soit possible, nous en avons constaté des exemples, a été d’un grand soutien !

Danielle

Informer, soutenir, accompagner

Faire comprendre que les parents sont indispensables pour établir une alliance thérapeutique ce qui nécessite confiance envers leur enfant, confiance envers l’équipe médicale ce qui conduira l’enfant à accepter les soins, leur bon déroulement et ainsi conduira à la guérison.

Ne pas se sentir coupable, douter de soi-même pour pouvoir mobiliser ses compétences et ses énergies dans le combat contre la maladie

Faire comprendre que pour un TCA, il n’est pas nécessaire de  connaître la ou les causes pour guérir. Vivre dans le passé peut ne mener à aucune issue positive. Par contre, faire comprendre qu’ils doivent apprendre à gérer le présent et se projeter vers l’avenir.

Aider à comprendre le comportement paradoxal de leur enfant et rester compréhensif, patient, empathique.

Ne jamais lâcher contre vents et marées,  et toujours être des miroirs vivants pour construire l’avenir.

Apprendre que le chemin de la « guérison » n’est  pas un long fleuve tranquille, mais qu’il demande du temps, qu’il est semé d’embûches (les rechutes, les stagnations) et qu’il est unique pour chacun, comme la mise en place du TCA.

Mais aussi, Ré-apprendre à vivre pour eux, à ne pas négliger la fratrie.

Et enfin, aider les parents à comprendre l’évolution de leur enfant vers l’autonomie.

Question 3 Au fil du temps donc, votre « pensée » a évolué. Maintenant vos filles sont guéries ou en voie de guérison. Comment vivez-vous cette situation et la FSC vous apporte-t-elle encore du soutien ?

F. Évolution ? Est-ce que j’ai évolué ? Honnêtement je n’en ai pas conscience, mais l’entourage et le groupe affirment que des choses ont bougé chez moi. Alors cela doit être vrai, mais l’important est que ma fille aille bien.

Je pourrai maintenant tourner la page et ne plus participer aux groupes de parole. Je reviens néanmoins à la MGEN 1 à 2 fois par an, pour les repas ; je vais assez régulièrement au groupe d’ENDAT soutenu aussi par la Fondation. Il s’est créé une véritable amitié avec les fondateurs qui savent  toujours écouter, rester disponibles et positiver. Je maintiens les liens avec la Fondation, car j’ai besoin de garder confiance, inconsciemment j’ai toujours la hantise d’avoir à revivre ce que j’ai vécu avec Anne ; et puis il est bon de montrer à d’autres parents qu’un jeune peut se sortir des TCA.

Enfin, je tiens à dire que témoigner, c’est ma façon d’exprimer ma reconnaissance à la Fondation Sandrine Castellotti. L’occasion m’en est fournie aujourd’hui. Merci

T. Bien sûr que la FSC nous soutient encore et que je continue à assister aux groupes de paroles le plus souvent possible. Elle me donne toujours une force complémentaire dans la guérison et le soutien que je peux apporter à ma fille.

Elle m’apporte la certitude d’avoir un entourage qui sera disponible pour les jours « sans » et dont le dévouement me sera sûrement acquis.

En retour, dans la mesure de mes propres forces, j’apporterai le concours nécessaire pour aider la Fondation.

Danielle

Je vous remercie de votre témoignage qui me fait tant chaud au cœur, ainsi qu’à Jean-Claude, mon mari , ainsi qu’à tous les membres de la Fondation. Il est bien difficile de parler après tant d’éloges, mais il ne faut pas perdre de vue les objectifs de ces témoignages.

Cette dernière question permet de voir qu’il est bien difficile de tourner la page du TCA pour les proches. Il faut réapprendre à vivre devant les incertitudes de l’avenir et le sentiment de vide qui peut nous assaillir après avoir dépensé tant d’énergie pour amener son enfant vers la « guérison ».

Amener son enfant vers la « guérison ». Cela a demandé un temps plus ou moins long, des mobilisations de tous les instants, des moments de désespoir…. et d’espoir, des souffrances et pleins d’autres choses encore. Et toujours des doutes qui subsistent. Mais enfin, votre enfant est guéri,e soyez en sûres. Votre vie qui s’était comme arrêtée, peut reprendre avec confiance et espérance. Ce ne sera pas la même que celle d’avant la maladie, car nos filles sont très fortes à nous faire comprendre le sens de la vraie vie et combien elles en sont heureuses.